Une édition dvd du groupe Pensées archipéliques, 2009

Cette prise de notes filmée a été effectuée par une équipe composée de trois étudiants – Nelson Bourrec Carter (L3), Estelle Fonseca (M1), Pierre-Emmanuel Le Berre (L2) – et deux enseignantes de l’école des beaux-arts de Nantes lors d’un séjour de quatre semaines en novembre/décembre 2009.

Georgia Nelson, Les Pacotilleuses

Les vidéos

Ouverture S.S. Arrivée à Miami [interviews] - 10:52, by Nelson Bourrec Carter

Maximo Gomez Park, Little Havana, Miami [Chance Meetings] - 06:07, by Estelle Fonseca.
Des Cubains sexagénaires aux prises avec le Domino Club.

 

Les Pacotilleuses, Miami Beach [Les Pacotilleuses] - 03:01, by Estelle Fonseca

Edouard Duval Carrié, artiste, Little Haïti, Miami [Interviews] - 15:19, by Pierre Emmanuel Le Berre

 
 

Un voyage, on the road, de Miami – « porte des Caraïbes » et « ville paradigmatique du XXIe siècle » – à la Louisiane – « point d’arrivée des premiers explorateurs de la « Nouvelle France » – qui s’est terminé dans la ville du gumbo créole, La Nouvelle-Orléans. Chemin faisant nous avons traversé la société états-unienne. Aux strates de son histoire se sont entremêlées les traces d’une histoire de France et de celle de Nantes. Telling in the Making invite à considérer l’art – et son histoire – dans un champ élargi. À partir de récits individuels et de l’observation de pratiques urbaines, sociales, culturelles et artistiques, ces notes filmées soulignent des faits et des représentations, des références, des histoires, des imaginaires différents qui, de la conquête européenne de l’Amérique à nos jours, se sont croisés et associés en de multiples agencements. Elles suggèrent certains effets de la mondialisation sur les identités. Elles montrent une variété de situations, de points de vue, de rapports de force. Telling in the Making énonce la reconfiguration incessante des cultures et des manières d’envisager un monde (passé /présent/futur) commun. La mondialisation génère de nouvelles géographies (spatialités) et temporalités. Elle a produit des configurations hétérogènes de la modernité.

Pour ce projet, il s’est agi d’envisager et de questionner différentes manifestations de ce processus, notamment les migrations humaines, en cherchant à éviter toute naïveté. Après les vols de Nantes et de Paris, nous avons fait escale dans des lieux concernés, chacun à leur manière, par ces questions, en ayant conscience qu’un mois est court et permet tout juste d’approcher.
À Miami, dans les quartiers de Little Haïti, Little Havana, Miami Beach, Opa Locka. Puis à Palm Beach.
À Cap Canaveral, pour la visite du projet d’un avenir extraterrestre de la Station spatiale internationale.
À Orlando, dans les parcs d’attraction, lieux du tourisme mondial. Et notamment à Epcot construit sur le modèle des expositions internationales avec ses pavillons nationaux.
À Pensacola, très vite. Le long du Mississipi, dans les anciennes plantations sucrières d’Oak Alley, Houma et Laura près de Donaldsonville.
À Thibodaux, et à Lafayette au musée acadien/cajun. À Saint-Martinville au musée afro-américain. À Houma, pour un entretien avec les Amérindiens du Delta. À La Nouvelle-Orléans, et ses musées Backstreet, Vodou et Cabildo.
À Miami, si les Cubains, Latino-Américains et Haïtiens ont d’abord constitué des quartiers communautaires pour supporter l’immigration. Le jeu des communautés se dissout de plus en plus dans la fabrique de la ville et les banlieues du grand Miami. Malgré son américanisation à partir de 1803, la société créole de la Louisiane française a laissé des traces. Les échanges entre les Amérindiens, les Européens (Espagnols, Français, Allemands, Anglais, Hollandais, Cajuns), les Africains de Sénégambie (devenus Afro-Américains), se sont avérés violents, parfois complices et ont eu des conséquences diverses. Certains Afro-Américains de la Louisiane, créoles, rendent hommage, au moment du carnaval, aux Indiens des plaines et célèbrent leur résistance et leur métissage. D’autres construisent une identité américaine par une relation inventée à l’Afrique. Les Cajuns commémorent l’Acadie perdue et se déclarent redevables aux autochtones qui les ont aidés à survivre. Les Amérindiens Houma, alliés des premiers colons, parlent le français. La Nouvelle-Orléans conserve une forte identité nonobstant ses mutations récentes. En décembre 2009, la plateforme « Deep Water Horizon », exploitée par BP ne faisait pas parler d’elle. À chaque étape nous avons multiplié les rencontres. Il s’agissait d’éprouver ces espaces par le voyage, par le trajet de lieu en lieu et dans l’échange avec différents interlocuteurs, en écoutant et en nous demandant en quoi leur histoire et ces réalités contemporaines nous intéressent-elles ? De quelle manière nous impliquent-elles ? Comment nous renseignent-elles sur nous et sur la situation du monde ? Quels sont les points qui nous relient ? Quelle histoire, quel présent et quel avenir communs ? Comment continuer de les construire à partir de ces fragments de récits et de notre propre singularité ? De quelles manières les donner à voir ? Nous avons insisté sur la nécessaire et complexe relation à l’altérité et au divers, à l’indispensable décentrement qui en résulte. Nous étions cinq : artiste, historienne de l’art, étudiants et enseignantes en école des beaux-arts, jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, métis chacun à notre manière.
Confrontés à l’actualité d’un débat français malséant sur l’identité nationale. Avant notre départ, nous étions immergés dans les films documentaires (Route One/USA, Amsterdam Global Village, De l’Autre Côté, Sud...) et les road movies (Easy Rider, Thelma and Louise, Priscilla Queen of the Desert, Paris Texas…). Sans repérages préalables, nous avons filmé sur l’instant, dans le flux du voyage. Certaines rencontres étaient prévues, d’autres se sont imposées. Durant ce périple, Georgia Nelson a déployé Les Pacotilleuses – sur Miami Beach ou à l’embarcadère du port de croisière, puis à La Nouvelle-Orléans, aux limites du French Quarter et du Faubourg Marigny. Coiffée à la Babel, elle a dressé des étals éphémères pour vendre à des prix sans concurrence les « marchandises » qu’elle avait apportées dans ses bagages. Ces stands vintage s’offraient comme des espaces de rencontres potentiels, défendant « cette idée que l’échange produit la valeur, non parce que les objets sont étalonnés dans une échelle économique, mais parce que ce qui mesure avant tout dans la valeur, c’est bien la distinction et la qualité des partenaires de l’échange ».

Cette forme de carnet de notes constitue un essai. Chaque étudiant a monté les séquences qu’il a choisies. Impressions, traces, narrations fragmentaires entre document et fiction esquissent une forme inachevée située à l’entrecroisée de différents regards, subjectivités et disciplines. Ce voyage d’étude, est la première étape, d’un film qui reste à faire, d’un projet qui requiert un temps long pour que l’expérience se dépose et se partage en prenant forme. Emmanuelle Chérel et Georgia Nelson