Siahi-Lashgar, Khodahafeze

Au revoir les figurants
rendre au figurant sa capacité d’agir

un projet de recherche
de Christiane Cavallin-Carlut
avec les films
Mirrors de Borzoo Afgahi,
Contrasts de Shagxhayegh Jodat,
Ali and Lola in the Painting Island de Ali Soltani

« Le figurant est acteur de rien, indifférencié, privé de parole et d’action (puisque le figurant figure, il n’agit pas), pur décor humain, homme meuble. » Georges Didi-Huberman ¹

« Dans les budgets de production des films coloniaux français des années trente, les “indigènes” qui servaient de figurants étaient portés dans la colonne “décor” et non dans la colonne “acteurs”. Jacqueline Nacache ²

Où trouve-t-on le figurant ? Ne figure-t-il qu’au cinéma ? Le trouve-t-on ailleurs, dans d’autres sphères ? Le figurant figure là où s’exercent les rapports entre pouvoir et représentation. C’est le modèle récurrent de la photographie judiciaire, clinique, anthropométrique, anthropologique, ethnographique, mais aussi artistique. Un large espace de figuration.

En 1995, à Téhéran, Mohsen Makhmalbaf passe une annonce dans la presse pour le casting d’un film autobiographique qu’il réalisera un an plus tard, Un Instant d’innocence. Cinq mille personnes répondent à son annonce et il improvise Salam Cinema.

L’un des ressorts de Salam est la manipulation des figurants, saisis dans (ou piégés par) leurs rêves cinématographiques. Les mécanismes de pouvoir, joués et déjoués par Makhmalbaf tout au long du film, provoquent soumissions ou résistances des figurants, les écartent de, ou les ramènent à leurs propres capacités d’agir, de réagir. De là se construit le projet.

En juillet 2011, Shaghayegh Jodat et Borzoo Afgahi sont interviewés à Téhéran sur leur participation à Salam. Ali Soltani, ancien figurant, vient plus tard s’ajouter au projet. Une équipe de tournage est mise à leur disposition pour réaliser le scénario qu’ils auront écrit. Il s’agit de rendre au figurant, « qui sont au cinéma ce que le peuple est à l’histoire, leurs visages, leurs gestes, leurs paroles et leur capacité d’agir » ³.

Aucun des « figurants » ne souhaitera écrire de scénario, ou même faire du cinéma : il s’agit plutôt d’actions filmées, à partir de leurs visions spécifiques de la société iranienne.

¹ Georges Didi-Huberman, « Peuples exposés, Peuples figurants », Paris, revue De(s)générations, 2009
² Jacqueline Nacache, L’Acteur de cinéma, Paris, Armand Colin Cinéma, 2005
³ Georges Didi-Huberman, ibid.

Exposition
du 30.10 .13 au 16.11.13

Vernissage
le 29.10.13 à 18h30
Dulcie Galerie
place Dulcie September Nantes

Conférence
le 29.10 à 17h30
Amphithéâtre de l’école des beaux-arts de Nantes