Déconstruction

Dans le cadre du projet de recherche Plus de réalité, sur la question des pratiques de l'abstraction contemporaine, Eden Morfaux réalise Déconstruction, une sculpture monumentale de plus de 13 mètres, adossée à l'école des beaux-arts de Nantes.

"De facture minimale, la sculpture géométrique immaculée que propose Eden Morfaux répond à l'architecture de l'Ecole des Beaux-arts de Nantes dont elle émerge. Elle la prolonge, la souligne même mais n'en fait, à l'évidence, pas partie. Elle est un système construit dans un temps et un espace déterminés. En l'occurrence, le mois d'octobre 2011 sur le parvis de l'établissement. Comme une prothèse, cette excroissance perturbe autant les habitudes de déambulation des usagers que leur appréhension de cette petite place de centre-ville. Certains passants trouveront qu'elle ressemble à une tour, un vaisseau spatial, un bâtiment, qu'elle est belle ou laide, qu'elle gène le passage ou, au contraire, embellit l'esplanade. Ils useront de toutes les armes rhétoriques et de tous les qualificatifs à leur disposition pour tenter de définir cette chose qui leur est imposée au coeur de leur environnement quotidien. Qui s'est déjà frotté aux problématiques inhérentes à l'incursion de la création dans l'espace public sait que toute proposition artistique est livrée à l’appréciation démocratique dont le critère principal de jugement demeure trop souvent le beau, alors même que cette notion a aujourd’hui disparu du champ critique professionnel. Car si l’œuvre d’art est désirée dans les lieux qui lui sont spécifiquement dédiés, elle obtient rarement le plébiscite dans l’espace commun. On lui reproche souvent de ne servir à rien, de ne vouloir rien dire, de ne ressembler à rien. Et c'est justement dans les arguments de ses potentiels détracteurs qu'Eden Morfaux puise la force de sa démarche. A l'image des réalisations des chantres de la non-figuration –  Kasimir Malevitch ou Theo van Doesburg – auxquels il fait ouvertement référence, l'artiste revendique à Nantes la construction d'un monument éphémère, sans message, sans célébration et sans autre prétexte que d'exister et de vivre ici le temps d'une exposition. C'est sa présence visuelle et physique à cet endroit, parmi ces passants qui lui confère fonction et en font un précieux outil analytique du contexte. Par le simple fait d'être posée là, elle entreprend une re-lecture de sa propre situation, c'est-à-dire une déconstruction de la complexité architecturale et humaine de la ville dans laquelle elle s'insère. Il est fondé d'appréhender le tissu urbain comme un texte, c'est-à-dire une construction complexe élaborée. La forme, insérée temporairement dans le texte urbain, vient le modifier , le contrarier pour en stimuler une lecture plus consciente et critique. Son imposition manifeste et  sa temporalité l'excluent, de fait, lui confère un statut particulier. Contrairement à une traditionnelle oeuvre de rond-point, elle n'a pas de fonction signalétique mais joue bien un rôle de révélateur critique, de signal. Et son exercice critique dépasse de loin son environnement immédiat pour alimenter le débat sur la valeur d'usage de l'oeuvre dans l'espace public. « Déconstruction » est un obstacle urbain problématique et nécessaire, un accident (heureux) de parcours." Etienne Bernard
 

"Dark City : dans ce film d’anticipation d’Alex Proyas, chaque nuit la ville se reconfigure, les quartiers se déplacent et les rues se reconnectent, de nouveaux édifices apparaissent aussi.
Nantes, place Dulcie September, octobre 2011 : dans un environnement architectural qui constitue en soi un mix improbable, un architectone a poussé là comme un champignon, « pluggé » sur la façade de l’école des beaux-arts. Signée Eden Morfaux, la sculpture surprend par son mode d’apparition, sa monumentalité et sa temporalité éphémère — une faille décrochante dans l’imaginaire urbain. Vigie aux accents sci-fi et à la blancheur virginale, elle porte en elle comme un manifeste les déclinaisons orthogonales dépouillées de Malevitch. Sa masse érectile oscille entre implacable géométrie et organicité diffuse, potentiellement colonisatrice ou intrusive, et révèle la façade de l’école en même temps qu’elle l’oblitère. Objet complexe donc : analytique, abstrait, autarcique et poreux à la fois, utopique, futuriste et… social, puisque son implantation perturbatrice est spontanément, quotidiennement apprivoisée par le public en toute simplicité pour des usages divers (se donner rendez-vous / en escalader les ressauts / s’affaler / prendre la pose pour une photo…). Des usages qui sans nul doute réjouissent Eden Morfaux, proche en esprit du néo-concrétisme brésilien, qui ne sépare jamais l’art de la vie." Eva Prouteau, revue 02, hiver 2011

Eden Morfaux participe à de nombreuses expositions telles en 2010 au Centquatre, à Paris, pour le salon de la Jeune Création, à l’Institut français de Prague, au musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon, à Sérignan ; en 2009, pour le Skulpturenpark Berlin Zentrum à Berlin, Allemagne... Artiste en résidence dans le cadre du projet de rénovation urbaine du quartier des Carreaux à Villiers-le-Bel ou encore à Cittadellarte - Fondazione Pistoletto, à Biella en 2005, il investit et questionne l’architecture et l’espace public.
Il rejoint le groupe de recherche + de réalité en 2010, mené par Claire-Jeanne Jézéquel, Jean-Gabriel Coignet et Véronique Verstraete.